Chronique d’une dérive dans les mers du sud

D’une superficie de près de 4 000 kilomètres carrés, l’iceberg antarctique A23a est environ trois fois plus grand que la ville de New York. ©DR

Le pôle Sud se réchauffe trois fois plus vite que le reste de la planète, ce qui accélérerait le détachement des icebergs. Entre 1994 et 2017, l’Antarctique a perdu 6500 milliards de tonnes de glace, soit plus de 17 millions de fois le poids de l’Empire State Building. En cause donc, les températures de la région qui augmentent de 0,22 à 0,32 °C par décennie, contre environ 0,18 °C selon les modèles du climat. Ces nouvelles données sont publiées alors que l’année 2023 y a enregistré le record absolu de fonte de glace. « L’Antarctique est un système complexe, nous dit Mathieu Casado. On ne peut pas affirmer que cette fonte des glaces est totalement liée au réchauffement que nous avons observé. Mais il s’agit de deux phénomènes parallèles qui sont, tous les deux, la conséquence des activités humaines. » Et qui provoquent une inquiétude majeure des chercheurs concernant les conséquences du réchauffement du continent blanc pour l’élévation à venir du niveau des mers. Celle-ci est en effet très sensible aux changements, mêmes mineurs, de température. 

4 000 km2 de glace à la merci des courants.   La réévaluation à la hausse du réchauffement de l’Antarctique pourrait donc signifier une plus grande contribution du continent glacé à la montée des eaux, « avec des conséquences potentiellement désastreuses, estiment les scientifiques pour lesquels cette étude tire une sonnette d’alarme sur les conséquences des émissions de gaz à effet de serre dans l’endroit le plus reculé du globe ». En témoigne l’actualité de cet iceberg d’environ 4 000 kilomètres carrés – soit près de 40 fois la superficie de Paris –  immobilisé depuis plus de trente ans, qui vient de se détacher de la plate-forme de glace Filchner-Ronne de l’Antarctique occidental. « Ayant autrefois abrité une station de recherche soviétique, il était resté en grande partie bloqué après que sa partie immergée se soit immobilisée sur le fond de la mer de Weddell », précise Le Monde.

Direction, l’océan Austral.   La raison de ce déplacement reste pour l’instant inconnue. Andrew Fleming, expert au sein du British Antarctic Survey, a relaté auprès de la BBC avoir demandé leur avis à des collègues. « A ce stade, le consensus ne met pas en avant un rôle prépondérant du réchauffement des eaux de l’Antarctique dans la mise en mouvement d’A23a (c’est ainsi qu’il a été baptisé), a-t-il rapporté ». Pourtant, l’Antarctique fond de manière irréversible, selon une étude scientifique publiée en octobre dans la revue Nature Climate Change. « Il est rare de voir un iceberg de cette taille dériver », précise le glaciologue Oliver Marsh, au British Antarctic Survey. « Au fil du temps, il s’est probablement légèrement aminci et a acquis ce petit supplément de flottabilité qui a lui a permis de se soulever du fond de l’océan et d’être poussé par les courants océaniques », ajoute-t-il. A23a se déplace à grande vitesse, poussé par les vents forts et les courants marins, comme le montrent les images satellites. Et, une fois pris dans le courant antarctique, il devrait se diriger vers l’océan Austral via le « couloir des icebergs », une route déjà très empruntée par de nombreuses masses de glace.

Une issue dramatique pour la faune de l’Antarctique.   Les scientifiques vont donc suivre de très près sa trajectoire, car elle n’est pas sans risque. « Un iceberg de cette envergure a le potentiel pour survivre assez longtemps dans l’océan Austral, même s’il fait chaud, et il pourrait se diriger plus au nord vers l’Afrique du Sud où il pourrait perturber la navigation », alerte Oliver Marsh. Une autre possibilité, selon les scientifiques, serait que cet iceberg vienne s’échouer sur l’île de Géorgie du Sud, faisant courir un danger pour la faune locale. Car A23a pourrait couper la route à des millions de phoques, de manchots ou d’oiseaux venus là pour se reproduire et se nourrir. Celle-ci est en effet un havre de biodiversité exceptionnel. « C’est l’endroit exact où les nutriments en provenance des océans du sud viennent s’amasser et alimenter un nombre incroyable d’animaux marins », expliquait le media video Brut. L’île de Géorgie du Sud abrite 5 millions d’otaries à fourrure antarctique, soit 95 % de la population mondiale, et 400 000 éléphants de mer du sud, soit plus de la moitié des effectifs totaux. Elle est également le principal site de reproduction des manchots royaux, avec 450 000 couples recensés. Une telle issue pourrait être dramatique pour ces animaux si l’iceberg arrivait jusqu’à cette zone.

Un phénomène qui prend de l’ampleur.   Bien que naturelle, la formation des icebergs est aujourd’hui accélérée par le changement climatique et l’Antarctique se réchauffe à un rythme deux fois plus élevé que le reste du monde, selon une étude publiée il y a quelques semaines dans la revue Nature Climate Change. Et cette réévaluation à la hausse du réchauffement du continent glacé laisse craindre une montée du niveau des mers plus importante que prévue. Difficile de rester optimiste avec ces flots de mauvaises nouvelles… JP.Z

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Un commentaire pour Chronique d’une dérive dans les mers du sud

  1. LEFEVRE FRANCIS dit :

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